HOMER

Homer,

Il fallait que j’écrive…Il fallait que je te dise…

J’écoute la cloche du village annoncer 7h du matin, j’entends la sirène des pompiers, les ambulance qui passent et je n’entends plus l’écho de ta plainte qui les accompagnait…

Certains pourraient croire que tu avais tellement mal aux oreilles que tu te mettais à hurler, moi je sais que tu voulais avertir aussi que quelque chose se passait et que tu sentais ce devoir d’avertir toi aussi…

Ce matin, j’avais encore le coeur serré, et je me disais qu’à cette heure-ci, je t’aurais déjà entendu passer devant la chambre, avec ta démarche lourde, ta respiration haletante.

Tu aurais secoué ta grosse tête et tu te serais laisser tomber devant la porte, en attendant qu’on veuille bien se lever…

Tu me manques, je voudrais te voir derrière le portail, quand je reviens à la maison…

Toujours dans les jambes, à coller ta grosse « goule » sur nos vêtements fraichement portés, pour réclamer toujours plus d’attention…

Tu as croqué peut être un mollet et un bras, mais je n’ai jamais douté de ta confiance, ni de ton amour. 

La seule chose qui comptait, c’était ta famille…

Tu étais une grosse peluche innocente et instinctive, qui s’étalait à nos pieds, les pattes en l’air à espérer des papouilles et des câlins, un chien de garde hors pair, méfiant, et pourtant tu ne faisais même pas peur, ce qui justement nous rendait fou d’inquiétude…

« Mon gros » tu étais le plus beau chien, le plus tendre et le plus attachant des compagnons de ma vie, un quémandeur d’amour avec une haleine de hareng, qui m’écrasait les pieds et me collait ses poils, mais je voulais te dire tout simplement que je t’aimais...

 

Trois jours déjà que tu es parti, et je n’y arrive pas…

Une montée de larmes me réveille chaque matin, et je voudrais que tu sois là.

J’entends encore parfois ton souffle,

Mon oreille à l’affût du moindre aboiement,

je continue de fermer le portail.

Je veux laisser croire que tu es toujours là, 

Que les autres continuent de rester à distance,

Qu’ils croient que tu es toujours là à nous protéger…

Je me souviens de ce dernier jour,

Ou assise sur les marches devant la porte,

je te regardais respirer avec peine, 

Tu es venu coller ta grosse tête contre la mienne,

Et on est resté un bon moment comme ça à partager un de nos silences…

Je t’ai toujours ressenti,

Je voyais parfois le doute dans tes yeux,

Tes mouvements inhabituels quand quelqu’un ou quelque chose ne te plaisait pas.

Je connaissais tes peurs,

Et il était difficile d’ignorer tes envies d’amour et de tendresse.

Tu nous tendais ta grosse patte lourde et maladroite, 

Avec un regard qui disait «  tu vois, je suis un bon chien ».

Tu pouvais être têtu aussi, et là, vouloir exiger 80kg à obéir, il fallait user de patience et de finesse, parce que sous tes airs endormis, tu ne manquais pas d’intelligence et de caractère…

Mon gros pépère, je sens encore mes mains enfouies dans ton encolure bien chaude, tes grandes oreilles lourdes que j’adorais attraper, 

j’ai toujours ton regard suppliant et doux devant les yeux « reste ou emmène moi ! »…

Il y a des absences insupportables,

de celles qui ne se comblent…

Des empreintes tellement grosses, Homer, qu’elles ne s’effaceront jamais...

Il y a des jours, comme ça, où débordée,  le temps s’arrête une fraction de seconde,et nous sommes là, vides, se demandant ce qu’est devenue notre vie.

Une suite de journées se succèdent, toutes pratiquement pareilles : on s’active, on bouge, on nettoie, on court, on répond au téléphone...

Notre mère se plaint de ne pas nous voir, les amis voudraient nous recevoir, nos enfants exigent une multitude de choses…

On doit  passer un coup de peinture, nettoyer le jardin, laver le linge, l'étendre, le repasser, le ranger dans les armoires, amener la voiture au garage, préparer les repas, faire les courses, prévoir le départ de vacances, publier deux trois photos sur son groupe pour ne pas avoir l'air d’une lâcheuse…

Et tout se fait sans même avoir le temps de réfléchir, comme un robot, dans le seul but de réduire le planning avant qu’une autre liste ne vienne se rajouter à la précédente…

On espère pourtant... trouver enfin le temps de prendre le temps mais nos idées s’emmêlent, nos envies se développent, et les tâches s’accumulent…

Si l’on pouvait noter ce qui parfois nous anime l’espace d’un sourire mais impossible, c’est la course, le marathon de l’existence…

Et c’est là, dans cette faction de seconde, celle qui hypnotise, qui stoppe net la machine en marche, que tout s’effondre…

On se retrouve à plat comme un vieux pneu de biclyclette, le soleil ayant foutu le camp avec nos envies, déçue de décevoir nos proches et nos amis, de passer pour un courant d’air sans laisser d’effluves… 

Egoïste sans le vouloir..

Pas assez de temps à accorder aux autres, juste le temps de rendre visite sans vraiment écouter, ni s’investir …Avec au fond de soi une éternelle insatisfaction qui nous ronge.

On a mal, parce qu’on aimerait faire plaisir, se détendre, et prendre le temps de partager,

être plus généreux, avec les autres mais aussi avec soi-même…

On fait mal, et on sait qu’on pourrait faire mieux…

Et puis, on dort mal parce qu’on s’en veut…

Et on se réveille trop tôt, assez pour broyer du noir aussi fin que le mare de café,

et on prend son petit déjeuner.

C’est l’heure de recommencer…

Le bruit du parquet m’a réveillé ce matin…

Le temps change, la maison s’adapte…

Il est tôt, j’entends quelques oiseaux, le bruit d’une voiture…

Et je pense à toi, mon gros….

Ton regard mendiant de câlins me manque, 

plus personne ne m’attend, 

Il y a ce grand vide, cette absence dans la maisonnée...

Homer, je n’ai plus mon ami...