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"Nathalie M..."
26 janvier 2014

Morceaux de vie ...

LES VIEUX...

Ça n'a ni queue ni tête, j'ai repensé à des trucs en me réveillant, à des sentiments bizarres que j'avais eu en étant petite…
J'ai beau crier haut et fort que je suis une normande, il n'empêche que j'ai vécu depuis l'âge de deux ans et demi dans le Vieil Antibes.

En fait, ce n'est pas une histoire, mais plutôt un flash, une anecdote, une analyse adulte d'un vécu de petite fille.
Donc, je vivais dans le Vieil Antibes, près d'un "Hospice de Vieux", ce n'est pas péjoratif, ceux sont les mots que j'entendais…
Je trouve ça bien triste et pas joli du tout aujourd'hui…
A l'époque je trouvais ça effrayant…
Donc tous les jours, il y avait dans ma rue un défilé de vieillards, pliés, bossus, boiteux, pas beaux, et j'avoue que dès que je sortais de la maison j'étais assez effrayée d'en croiser certains…D'autres étaient plus familiers, souriants, bizarres mais inoffensifs…
Il y en avait un qui se balladait en blouse blanche, son visage était vérolé, ses yeux noirs fuyaient le regard des autres…
Il devait avoir une quelconque responsabilité pour le maintenir en forme, car il marchait toujours à grands pas comme s'il était pressé.
Et pile poil, à l'angle de la maison, il levait son bras en l'air, dégageant son poignet et regardait sa montre. 
Ça ne ratait jamais. 
Il avait un regard de fou, mais au fond je suis sure que c'était un gentil bonhomme.
Je ne l'ai jamais entendu parler...

Et puis, il y avait Maguy une sourde et muette avec des cheveux noirs, une barrette sur le côté qui lui donnait une allure de petite fille.
Elle avait des gros mollets, portait des jupes, des petits gilets, et des éternelles chaussettes blanches.
Elle avait des chaussures comme on en trouve en pharmacie et chaussait du 42, et des lunettes "loupe" qui lui faisait de gros yeux ...
Donc comme je disais, elle était muette, et souvent ma voisine l'appelait de sa fenêtre et lui disait "Bonjour Maguy, ça va aujourd'hui ?"
Et alors sortait un son puissant et déchiré de cette géante qui essayait de répondre, un cri si terrifiant que j'attendais qu'elle parte pour enfin sortir et courir à l'école….

Mon amie Christelle, habitait de l'autre côté du pâté de maison, sa porte était juste en face de la grande entrée de l'Hospice. Un grand portail en fer forgé ouvert sur un jardin d'orangers.
Le jardin par lui même était plutôt agréable, vers 16h une lumière orangée colorait les murs et faisait oublier que le bâtiment qui l'encerclait avait tout d'un asile de fou…
Il m'arrivait souvent de regarder à travers les grilles avec mon amie…
Je crois qu'on cherchait à se faire peur.
Les vieux étaient assis sur leurs chaises ou sur les bancs, certains dormaient la bouche ouverte la tête penchée sur le côté, le journal à la main.
Certaines avaient des allures de mamy bien douces et tricotaient au soleil, d'autres tournaient en rond…
Il y avait toujours des surveillants de chaque côté du jardin, et il y avait inévitablement un ou deux vieux prêts à pousser la porte pour se faire la belle…
Le plus impressionnant était les cris qui s'échappaient de cette prison, des cris de peur, de désespoir, de souffrance aussi…
A la nuit tombée, nous n'étions plus dans la rue à jouer à la balle contre le mur, nous étions bien au chaud, à la maison, à l'abri de ces aliénés…

La porte de ma maison donnait sur une impasse où il y avait les cuisines de l'hospice, une immense salle de vieux carrelage vert et jaune, le sol en dalles mouchetées de pierres noires.
Les cuisiniéres étaient vieilles aussi, elles travaillaient derrières des fenêtres à barreaux, et Maguy trainait toujours dans la cuisine, elle faisait des courses ou nettoyait la vaisselle, son sourire derrière les barreaux avait de quoi faire peur, mais elle souriait…
 
Dès le matin, une odeur de soupe ou de ragout envahissait la ruelle, et les gamines que nous étions trainaient dès le retour de l'école devant les fenêtres à barreaux, pour observer les cuisinières et avoir au passage un morceau du "gouter des vieux" avant de continuer nos bêtises…

C'est comme ça que je l'ai vécu.

Cette "Hospice de Vieux" a disparu dans mon adolescence, pour devenir un centre d'accueil pour jeunes en difficultés…

Nous ne savions pas à l'époque que nos vieux fous étaient bien les plus sages même s'ils n'avaient pas toute leur tête…:)
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"Nathalie M..."
  • Quand je prends le temps de rêver, se crée autour de moi, une jolie bulle... Peintures, dessins, photos et les mots pour vous raconter... Parce qu'il y a tellement de façons de voir les choses, et de passer son temps...
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